Les noms de famille : au
cœur de la recherche généalogique (J-M.G. Site Heredis de mars 2010)
La quête du généalogiste se
focalise tout naturellement, au début, sur la lignée
patronymique, celle par laquelle s'est transmis le patronyme,
constituant fondamental de l'identité individuelle et familiale.
Mais, quel nom de famille ?
Si la transmission du nom de famille
représente le fil rouge de la recherche
généalogique, un conseil anti-frustration s'impose
d'emblée : il n'est pas rare, au cours de recherches sur un
patronyme, de recenser un grand nombre d'orthographes distinctes. Le
généalogiste averti devra, pratiquement dès la
deuxième ou troisième génération,
s'affranchir du carcan de l'orthographe "fixe" et penser
"phonétiquement", afin de ne pas omettre lors de la consultation
de tables décennales ou alphabétiques de registres les
Audebert, Haudebert, Houdebert, qui peuvent tout à fait
concerner des membres d'une même famille, voire d'une même
fratrie.
L'onomastique :
Cette science étudie l'histoire et l'étymologie des noms propres.
Elle se divise en deux branches : l'anthroponymie, consacrée aux
noms de personnes (anthroponymes), et la toponymie, consacrée
aux noms de lieux (toponymes).
La formation des noms de famille : De l'Antiquité au Moyen Age
Tranchant avec le système du nom unique des civilisations précédentes, les Romains
portaient l'équivalent de notre prénom, suivi du
gentilice (nom du groupe familial ou d'un ancêtre mythique)
auxquels se joindra ultérieurement le cognomen
(nom de famille), d'où : "Caius Julius Caesar". Un
élément supplémentaire, surnom lié aux
hauts faits ou à une caractéristique remarquable d'un
individu s'y ajoutait parfois à l'âge adulte. ex: Ciceron
= pois chiche, Calligula = petite sandale...
Ce système latin disparaît sous la
double influence des invasions germaniques et de l'essor du
christianisme.
Sur un plan religieux, les nouveaux convertis reçoivent un nom
de baptême unique censé avant tout "briser les liens avec
le passé".
Les Francs,
fidèles au système des noms germaniques, portaient un nom
unique composé, en règle générale, à
partir de deux éléments, porteurs d'une certaine
symbolique : "Theud" (peuple) et "Bald" (audacieux) forment
Theudbald, origine de Thibaud, "Will" (volonté) et "Helm"
(casque) forment Willehelm, futur Guillaume. Une tendance "dynastique"
marquée par la recombinaison préférentielle, d'une
génération à l'autre d'une même famille, de
certains éléments, permettra aux historiens futurs de
travailler à la reconstitution des "lignages" de cette
période.
Reproduisant la mode qui avait fait prendre aux Gaulois des noms romains, les Gallo-Romains
attribuent à leurs enfants des noms importés par les
francs. Au IXème siècle, dans la moitié nord de la
France, la quasi-totalité des noms de baptême sont
germaniques. Conséquence : porter un patronyme d'origine
germanique, ne fera pas de vous le descendant d'un roi franc !
Les surnoms comme noms de famille :
Depuis le IIIème siècle, chacun ne
porte plus désormais qu'un seul nom : son nom de baptême.
Cependant, la langue germanique n'a pas le succès des noms
germaniques, dont la capacité d'évolution stagne ; la
variété de noms diminue et l'église favorise les
noms de saints les plus prisés. En raison d'une forte
poussée démographique, l'ajout d'un surnom va s'imposer
à partir du Xème siècle, afin de distinguer les
nombreux homonymes d'un même village. A l'instar des nobles qui
ajoutaient à leur nom de baptême celui de leur fief, ce
surnom va progressivement devenir "nom de famille".
Attention : ce processus de "fixation" ne s'est pas fait du jour au lendemain.
Les documents qui nous sont parvenus montrent bien
qu'il n'était pas rare que le surnom attribué à un
même personnage varie et soit alternativement lié à
son lieu d'origine, à sa profession ou à une autre
caractéristique, sans préjuger de celui qui allait
finalement s'affirmer comme "nom héréditaire".
En France et dans les pays francophones d'Europe, la
plupart des noms de famille sont apparus entre les IXème et
XIIème siècles, a priori fixés au XIIIème
siècle, avec des nuances selon les régions, à
l'exemple de la Corse où ils ne se sont structurés qu'au
XVIème siècle, la phase de fixation durant jusqu'au
XVIIIème siècle.
Les types des noms de famille :
Les patronymes peuvent se regrouper en quatre grandes
catégories, auxquelles s'ajoutent les matronymes et quelques cas
particuliers.
Les noms de baptême - Les noms d'origine géographique -
Les noms issus de métiers - Les noms issus de sobriquets - Les
matronymes - Cas particuliers
Noms de baptême : noms du chef de famille d'origine, en France,
comme dans la plupart des pays, ils constituent la majeure partie des
patronymes (Martin, Bernard, Thomas, etc.).
La construction était simple, on passe d'une
structure Charles fils de Bertrand à Charles Bertrand, dont le
fils et les descendants s'appelleront Hector Bertrand puis Gilbert
Bertrand, etc.
Dans la plupart des pays d'Europe, les patronymes
les plus fréquents sont des noms indiquant la filiation d'un
fils à son père, reconnaissables à travers
l'utilisation de certains préfixes ou suffixes signifiant "fils
de".
Quelques exemples :
Robertson dans les pays anglo-saxons, O'Neal en
Irlande, Mac Angus ou Fitzgerald en Ecosse, Fernandez en Espagne,
Fernandes au Portugal, Ben Ali ou Ibn Saïd dans les pays arabes,
De Angelis, Di Marco ou Martini en Italie, Angelopoulos en
Grèce, Karlovic dans les Balkans, Ivanov, Ivanovitch en Russie,
Davydenko en Ukraine, Horowicz en Pologne, Andersen au Danemark... On
notera la spécificité islandaise d'utilisation du suffixe
"döttir" signifiant "fille de" à la base de nombreux noms
de famille dont celui de l'ancienne présidente Finnbogadottir.
On observera ici une spécificité du
centre de la France, en particulier dans le Berry et régions
limitrophes de la Creuse et de l'Allier, de patronymes formés
avec la persistance d'une référence d'appartenance "le
fils à" "la fille à" et ce, utilisé dans les
différentes catégories (Ageorges, Amathieu, Alamartine,
mais aussi Alamamie, Aufrère, Alanièce, Augros, Aupetit,
Auprince, etc.) avec variations fréquentes dans les actes, avec
ou sans reprise de la première partie du patronyme.
Les plus fréquents sont les noms germaniques (90
% des noms donnés aux IXème siècle). Certains sont
demeurés des prénoms (Bernard, Guillaume, Thibault,
Louis, etc.), d'autres ne subsistent plus que sous forme de patronymes
(Aubert, Garnier, Roubaud, Seguin, etc.).
Le succès des patronymes d'origine biblique est inhérent à la popularité des saints (Thomas, Jean, Mathieu, Pierre, David, Gabriel, etc.)
Les noms d'origine latine
: Antoine (Antonius), Hilaire (Hilarius), Honoré (Honoratus), ou
grecque : Georges (Geôrgos), André (Andreas), Christophe
(Khristophoros), sont également représentés.
On mentionnera enfin les anciens noms de baptême bretons devenus noms de famille (Arthur, Malo, Yvon, Tugdual, etc.)
Hypocoristiques : les noms formés pouvaient par la suite
subir des variations, telles les formes Guillaumot, Guillaumin
découlant de Guillaume, ou encore par combinaison d'un adjectif
: Grosjean, Petitjeannot.... On parlera ici d'hypocoristiques.
Spécificités géographiques :
Les évolutions géographiques
étaient diverses : les Willibald, Wilhelm, Walthari germaniques
ont subi une évolution plus modérée dans le nord
de la France et la Belgique, où l'on trouve les formes Wilbaut,
Vuillaume, Willemin, Wautier, devenues Guilbaud, Guillaume, Gaultier
plus au sud.
Noms d'origine géographique : les "topo-patronymes" reflétent une origine "géographique".
On distinguera ici les noms indiquant une région, une ville, un
village ou hameau (Lallemand, Lombard, Picard, Limousin, Marseille, de
la Berthonière, etc.) - d'autant plus intéressant pour le
généalogiste que le lieu sera rare, voire unique - des
noms de simple "voisinage" désignant au sein d'une
communauté villageoise le lieu d'habitation de la famille
(Delalande, Dujardin, Dupré, Dupuis, Dupont, Duval,
Rivière, etc.), de faible intérêt pour la recherche
des origines géographiques familiales.
Spécificité basque :
La racine -etche, signifiant maison, généralement
accolée d'un qualificatif (grande, neuve, haute, blanche...) a
fourni les nombreux Etchegaray, Etchepare, Etcheberry, Etcheverry, etc.
; il en va de même des racines -orube ou -jauregui (le manoir),
-behere ou -huri (le domaine).
Le rôle de la "maison d'origine" est à
ce point prééminent, qu' un homme qui reprenait la ferme
de ses beaux-parents pouvait ajouter à son nom propre,
voireprendre exclusivement le nom de ses beaux-parents et donc celui de
la "maison", transmis ensuite à ses enfants. Cette tradition a
perduré jusqu'au XIXème siècle.
Conseils aux généalogistes
L'orthographe d'un lieu-dit étant soumise
à variations permanentes (du Coudray, Coudray, Ducoudray), ne
pas tomber dans le piège tendu de la pseudo particule qui vous
ferait supposer une origine noble !
De même, Romain, étant issu d'un nom de baptême, vos
ancêtres ne seront pas à rechercher dans la ville
éternelle. Quant à vos ancêtres Gallois, ils vous
mèneront en droite ligne à l'ancien français
"Galois" qui signifiait gai et jovial. Debeauvais qualifiera
probablement une famille originaire d'un lieu-dit "Beauvais" de votre
zone de recherche. Pour finir, certaines familles juives ont
adopté en 1808 un nom de ville sans que cela ait un quelconque
rapport avec leur origine géographique (Lyon, Caen,
Besançon, etc.).
Noms issus de métiers :
Ils témoignent du métier du premier
porteur du patronyme (Charbonnier, Meunier, Boulanger, Rateau, Lepic,
etc.). Leur fréquence rappellera l'importance de nombreux
métiers et outils, aujourd'hui disparus, au sein des
communautés villageoises d'antan.
C'est la catégorie par excellence permettant
de dater la fixation du caratère héréditaire d'un
patronyme. Un Jean Pottier, chapelier ou forgeron, porte à
l'évidence, non plus un surnom individuel lié à sa
profession, mais bien un "patronyme", surnom d'un ancêtre
transmis désormais de manière héréditaire.
L'étude de ce type de surnoms fixe les débuts de leur
transmission héréditaire, en France, aux XIIème et
XIIIème siècles.
Ce type de noms se prête également
à des comparaisons par pays, mais aussi par régions,
où ils prenaient la forme usitée dans le patois local.
C'est le forgeron, autrefois personnage éminent de la
communauté, qui a donné naissance au plus grand nombre de
noms de famille distincts (Lefebvre, le Goff, Maréchal, Smith,
Schmidt, Kovac, Herrero, Fabri, etc.)
Attention : ne pas négliger
l'hypothèse selon laquelle un nom de métier peut
également avoir été attribué, non en raison
d'une profession réellement exercée, mais du
caractère de la personne [qui n'a pas entendu un proche lui
parler d'un "vrai boucher" pour qualifier en réalité son
dentiste ou un chirurgien ?].
Noms issus de sobriquets :
Certains reflètent une particularité physique de
l'ancêtre initial (Petit, Legrand, Leroux, Leblond, Legros,
leborgne, etc.). Petit, le plus fréquent de cette
catégorie, occupe actuellement le 3ème rang des
patronymes les plus répandus en France. Le doute peut subsister
quant à savoir s'ils reflètent à l'origine
toujours une particularité réelle, ou ont
été au contraire attribués par raillerie (Lepetit
à quelqu'un de grande taille par exemple).
D'autres évoquent qualités et défauts
aux yeux des proches qui l'attribuent (Gentil, Lebon, Hardy, Lesage,
Leguay, etc.) ; les Leduc ou Lecomte, prenaient peut-être des
allures de seigneurs ; on trouvait les "bons" et les "mauvais" :
à côté des Bonfils et Bonjean, certains patronymes
s'avèrent logiquement moins flatteurs (Maugendre, Mauchien,
Mauchaussé...) [on notera par exemple une sentence du
XVème siècle rendue au siège royal d'Issoudun
(Indre) contre jean Guillebault dit "maumysert", pour forcer celui ci
à payer une rente qu'il devait sur une pièce de terre ;
surnom bien adapté, puisqu'en vieux français "Malmesert,
Maumissert, Maumysert" était "celui qui mal me sert" un nom
donné à de mauvais domestiques...
D'autres enfin soulignent un lien de parenté particulier
(Cousin, Neveu, Gendre, Laîné, Lejeune...).
Laîné et Lejeune reflètent le rang de naissance
dans la fratrie, Besson qualifiait un "jumeau".
Nos ancêtres ont souvent usé de la
métaphore animale pour traduire, au gré de l'imaginaire
de l'époque, les particularités et petits travers de
leurs voisins (Leloup, Goupil ou Renard, Lecocq, Lechien,
Lelièvre, etc.). On se gardera là aussi de projeter une
interprétation par trop contemporaine de ces patronymes. De
même, attention aux interprétations erronées : la
signification d'un nom formé il y a près de mille ans,
n'est peut-être pas la même aujourd'hui ! Le Filoux, comme
Filloux, est d'origine germanique (Fil - Wulf) ; le Payen était
lui un paysan fraîchement débarqué en ville et non
un réfractaire à la religion. A l'inverse, un
Crétin ne sera qu'un parfait "Chrétien", converti en
patois local !
Matronymes :
Un certain nombre de noms ont été formés en référence à une femme
: Marie, Catherinot, Larousse, Labrune, Lanièce, Lamamie
Lapetite, Labergère, etc., possible référence
à une femme veuve, ou mère célibataire. On notera
l'habitude, attestée par les registres dans certaines
régions, de féminiser le patronyme des femmes ou filles
(Bergère au lieu de Berger, Boudelle au lieu de Boudeau, etc.)
Cas particuliers :
Créations plus récentes
Les noms de certaines familles nobles
Les noms "doubles" de certaines familles bourgeoises
Certaines familles bourgeoises ayant réussi
ne résistaient pas à l'envie de se distinguer du menu
peuple. La création de noms "doubles" permettait d'afficher
cette différence. Ces noms pouvaient être
créés par l'adjonction du nom d'une
propriété terrienne, voire en pérennisant une
alliance par la conservation des deux noms accolés.
Aux "mariages de raison" faisaient écho les
"adoptions de raison". L'émergence de noms doubles
résultant alors de l'adoption d'un neveu ou petit-neveu,
permettant ultérieurement, en l'absence d'héritiers
directs, de réduire notablement les frais de succession.
On évoquera également le choix de
certaines familles de se distinguer par la référence
à un "ancêtre de marque" en adoptant son identité
complète comme nom de famille ; d'où les
Pierre-Brossolette et autres François-Poncet.
Les noms "doubles" de certaines régions de montagne :
Phénomène connu ailleurs, mais
particulièrement présent dans certaines régions de
montagne, où forte endogamie et faible mobilité des
habitants ont nécessité l'ajout d'un nouveau surnom pour
distinguer les branches des nombreuses familles homonymes
(Servoz-Gavin, Rossat-Mignod, etc.).
Créations sous influence de la législation :
Les noms des Antilles et de Guyane
Les esclaves, rebaptisés à leur arrivée,
ne portaient qu'un prénom, complété par un surnom
en cas d'homonymie. En 1836, une ordonnance de Louis-Philippe impose
l'enregistrement d'un prénom et d'un nom pour tout affranchi.
Le 27 avril 1848, le vote du décret sur
l'abolition de l'esclavage est à l'origine d'une attribution
systématique de noms de famille. La plupart adoptent alors leur
surnom comme nom patronymique (Louis, Guillaume, Laurent,
Jean-Baptiste, Joseph, Césaire, Arsène, etc.). La
mère étant souvent la seule ascendance connue, de
nombreux patronymes seront de forme féminine. En Martinique,
émergent quantité de noms composés (Sainte-Rose,
Jean-Joseph, Jean-Baptiste, etc.). On notera sans les citer de nombreux
diminutifs et sobriquets, voire anagrammes (Nomis, Divad, etc.).
Pour les esclaves n'ayant pas de surnom, libre cours
est donné à la fantaisie, voire à l'arbitraire des
officiers d'état civil, qui ont puisé dans les domaines
les plus divers (mythologie, Bible, histoire de France,
littérature, géographie, règne animal,
végétal ou minéral).
En Guyane, un système plus
étalé dans le temps est à l'origine de la
création de nouveaux noms permettant l'enregistrement des
indiens et autres populations locales. C'est majoritairement le
prénom du père qui a fait office de nom de famille.
Les noms des familles juives :
Jusqu'à la Révolution, les familles
juives n'avaient pas nécessairement de patronyme fixe. C'est un décret impérial de 1808 qui les oblige à choisir un nom de famille fixe,
transmis à leur descendance. Il était par ailleurs
possible de déclarer un nom différent de celui
éventuellement porté auparavant. La plupart des noms
choisis feront référence à des personnages de la
Bible, aux douze tribus d'Israël ou aux villes de résidence
des familles.
Remarque : nombre de ces patronymes pouvant être portés
par des familles non juives, parler de "noms juifs" ne correspond
à aucune réalité.
Les noms des enfants trouvés :
L'attribution d'un nom rendue nécessaire par la création de l'état civil en 1792,
libre cours est là aussi laissé aux officiers de
l'enregistrement : noms patriotiques, noms issus de dictionnaires,
témoignant souvent des conditions de leur découverte
(Trouvé, Février, Corbeille, etc.), une fille
trouvée au mois de juin âgée d'environ un mois,
donc née en Mai "mois de Marie" sera ainsi nommée Marie
Juin !
Les patronymes issus de changements de nom :
On mentionnera simplement la loi du 11 germinal an XI, selon laquelle
une demande "motivée" pouvait être adressée au
gouvernement !
Les patronymes créés par francisation :
Indépendamment d'une quelconque
législation, c'est l'usage qui entraîne en Europe de
l'Ouest, vers le XIIème siècle, l'apparition de surnoms,
devenus nos futurs noms de famille.
Les patronymes comme outil de recherche : Les patronymes permettront aux généalogistes d'ouvrir des pistes de recherche intéressantes.
Diversité régionale
Entre le latin devenu langue des érudits et
le français qui n'était pas encore langue officielle, la
diversité linguistique (breton, basque, catalan, occitan,
langues germaniques, etc.) a présidé au
développement d'innombrables variantes régionales d'un
même surnom. Pour le généalogiste, les noms de
famille peuvent ainsi devenir de précieux indices :
formés dans des dialectes locaux, ils peuvent permettre de
cerner le berceau géographique d'origine de la famille. On
pourra par exemple faire appel à une carte de répartition
des porteurs actuels du patronyme.
Variantes orthographiques :
L'orthographe des
patronymes s'est figée très tardivement, vers 1877 en
France avec l'apparition du livret de famille. On s'assurera
donc toujours d'avoir bien déterminé la forme ancienne
d'un nom avant d'en rechercher la signification ! Une personne venue
d'ailleurs pouvait voir l'orthographe de son patronyme évoluer
pour prendre la forme d'un patronyme, lui bien implanté dans le
village d'installation, voire être complètement
modifiée par assimilation phonétique au dialecte local.
Initiales, préfixes et suffixes
Certaines initiales rares trahissent une origine
régionale spécifique: U la Bretagne ou le Pays Basque, K
[à l'exception du Ker breton], W et Z, les régions et
pays de langue germanique.
Certaines prononciations locales ont
transformé les mots : les ch- transformés en
Normandie-Picardie en c- ou qu- (Caron au lieu de Charon, Carpentier au
lieu de Charpentier)
Les principaux préfixes permettant de localiser l'origine d'un
nom sont : Ab- (breton), Casa- (catalan), Caza- ou Caze- (occitan),
Etche- (basque), Ker- (breton), Le (article précédant le
nom, généralisé en Bretagne), Le- (moitié
nord de la France, wallon), Ser- (belge), Van (flamand), Ver- (belge).
Les principaux suffixes permettant de localiser
l'origine d'un nom sont : -ac (Limousin, Auvergne, Gironde), -aert
(Nord), -az (Savoie) -behere (basque), -eau (ouest, centre-ouest de la
France), -eeuw (entre nord de la France et frontière flamande),
-ec (Bretagne), -echon (Picardie), -ena (basque), -enc (Midi), -eta
(basque), -ez (Picardie, Nord-Pas-de-Calais), -goyen (basque) -i
(Corse, Italie), -ic (Bretagne), -ing (Alsace), -lein (Alsace), -li
(Suisse alémanique), -od (Franche-Comté), -ouf
(Cotentin), -oz (Savoie, Suisse romande), -uc (Gascogne), -tegui
(basque), etc.
Frontières linguistiques :
On rencontrera ces
particularités lorsqu'une famille est implantée sur une
"frontière" linguistique. En Alsace et en Lorraine, un
même individu pouvait être Marchand, Petit, Leblanc ou
respectivement Kaufmann, Klein ou Weiss dans leurs traductions
allemandes. De même en Belgique où pouvaient se rencontrer
les versions Flamande et Wallonne d'un même patronyme !
Autres difficultés linguistiques :
Il est possible que la même orthographie d'un
patronyme renvoie néanmoins à des origines
complètement différentes : le patronyme Bach
présent dans l'est de la France y dérive alors du vieil
allemand baki (ruisseau) et caractérisait à priori une
famille vivant près d'un cours d'eau ; pour un Bach ou Bache
catalan, la référence est le terme occitan baïsha
(prononciation entre "bache" et "bacho"), signifiant "bas-fond" ou
"fond de vallée", qui traduira la localisation d'une famille
"dans une vallée". Ceci étant, rien ne prouve à
priori qu'une famille de ce nom implantée à Perpignan
n'était pas venue d'Alsace 3 ou 4 générations plus
tôt !
Fil rouge législatif :
Le cadre juridique du nom de famille se base essentiellement sur la
coutume mais certaines dispositions légales sont venues le
compléter.
XVème siècle
Louis XI décrète, en 1474, l'interdiction de changer de nom sans autorisation royale.
En parallèle, les prêtres commencent
à enregistrer les baptêmes, mariages et sépultures.
XVIème siècle
En 1539, l'Édit de Villers-Cotterêts de François
Ier rend la tenue de registres paroissiaux en français
obligatoire pour les baptêmes. Le but étant à
l'époque de permettre aux postulants à une charge
ecclésiastique de justifier de leur âge et majorité.
XVIIIème siècle
Le 20 septembre 1792, un décret de l'Assemblée
législative crée un état civil laïc. Outre le
transfert de la tenue des registres des églises aux mairies, ce
système permettra, de fait, l'enregistrement des actes
concernant les familles juives et protestantes.
XIXème siècle
Des évolutions entraînent la fixation de certains types de noms de famille
Napoléon étend en 1808, par
décret, le système de fixation du patronyme aux familles
juives. C'est lui qui imposa à cette époque,
parallèlement à ses conquêtes, le Code civil et
l'état civil "à la française" à la plupart
des pays d'Europe. Un grand changement, en particulier pour ceux du
nord de l'Europe, où la fixation du patronyme par transmission
héréditaire n'était pas encore
systématisée, surtout dans les campagnes.
La loi du 11 germinal an XI autorisait cependant le changement de nom pour les personnes "qui en auraient quelques raisons".
Décret du 27 avril 1848, sur l'abolition de l'esclavage dans les Antilles françaises.
Le livret de famille
Créé le 18 Mars 1877, il contribue largement à la
fixation orthographique des noms de famille, puisqu'il accompagne
désormais la rédaction des actes successifs d'état
civil de la famille.
J.-M.G. (Site Heredis de mars 2010)