L'Art brut et Georges Lanquetin

    Guillaume Pujolle (1893-1971)
source Wikipedia


    Ebéniste par son père, G.Pujolle va exercer ce métier jusqu’à l’âge de 18 ans, mais des conflits familiaux vont l’entraîner dans la violence, il sera interné en 1926 a l’hôpital de Braqueville, à Toulouse. Il commence à dessiner en 1935 en utilisant des produits pharmaceutiques et fabrique également les pinceaux avec ses cheveux et le manche avec du papier qu’il roule. Le Dr Deckequer ("Monographie d'un psychopathe dessinateur, étude de son style ; le cas Guillaume Pujolle, thèse : Toulouse, Rodez).  dira de son œuvre qu’elle est d’une beauté fantastique et inquiétante.
    Guillaume Pujolle ne travaille que d’après l’image qu’il tire de magazines, puis s’appuyant sur son métier d’ébéniste, il opère comme avec une marqueterie : découpe, morcelle, désarticule le motif pour le recomposer, réajuster les pièces de ce puzzle dont lui seul détient la clef.
    Dans ses compositions, il utilise volontiers le principe du cadre découpé, selon certains modèles de marqueterie, l’on remarque également qu’il lui arrive de travailler comme s’il s’agissait d’un plateau de guéridon, ce qui pourrait expliquer que certaines compositions donnent la sensation de tourner sur elle-même, cependant que son dessin s’étire en flammes ou en volutes cernées d’un trait noir fait de pleins et de déliés : technique identique qu’il utilise pour les légendes au bas de ses œuvres.
    Si Guillaume Pujolle fut tout d’abord contraint a utiliser des produits pharmaceutiques en guise de couleurs, il eut par la suite la possibilité de travailler avec des moyens plus orthodoxes. Vers 1950 il abandonne le dessin, confectionne quelques bagues d’aluminium et de cuivre puis taille dans du bois quelques menus objets : revolver, avion etc...


    En 1941, Marcel Lanquetin, préfet révoqué par le régime de Vichy en 1940 pour ses convictions, partit à Toulouse ville située alors en "zone libre", non occupée par les Allemands. Il avait été nommé directeur de l'hôpital psychiatrique de Toulouse, un endroit où l'on peut facilement se faire oublier en attendant la Libération. On peut aussi (voir sa carrière) y rendre des services à la Résistance. Parmi les aliénés (on ne dit pas les fous...), il y avait un malade mental, hospitalisé depuis 1926. Son "délire" ?? Il peignait, très bien et de façon entièrement spontannée. Il n'avait jamais fréquenté ni les écoles de peitures, ni d'autres peintres. Il faisait partie de ces peintres  "naïfs" dont l'art fut apprécié et reconnu plus tard sous le nom d'Art brut. Son nom ? Guillaume PUJOLLE (voir ci-contre son parcours).

En ce qui nous concerne, une anecdote :

    Marcel LANQUETIN, alors directeur de l'hôpital psychiatrique, avait emmené en 1942 son fils Georges (le réalisateur de ce site alors âgé de 7 ans) à une après midi aux courses hippiques. Dans la tribune, un courant d'air sortant d'un oeil de boeuf, fut la cause d'un bon rhume de cerveau. Le lendemain, les médecins de l'hôpital, consultés par le papa, évoquèrent devant le peintre, pour plaisanter, le vent mauvais qui, par un oeil de boeuf, avait rendu malade le jeune garçon. Le surlendemain, le peintre PUJOLLE montra un tableu extraordinaire, de grand taille, en couleur, sur lequel figurait un oeil de boeuf traversé par un vent terrible et tourbillonnant, enlevant dans les airs des enfants et notamment Georges LANQUETIN. Extraordinaire, ce tableau fut conservé par un des internes de l'hôpital.
   
Ou est-il ce tableau??

    Que je serais content de le retrouver, de raconter une fois de plus cette rencontre entre un génie méconnu et un enfant.

    En dehors du Musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Ascq (Nord), il existe à Lausanne un Musée de l'Art brut magnifique. J'eus la chance d'y rencontrer le conservateur et de rechercher avec lui, dans les réserves du musée, "mon" tableau... En vain. Mais je pus donner la réponse au conservateur qui, jusque là, ne savait pas quelle peinture Pujolle utilisait. Je lui donnais la réponse : pendant la guerre, en 1942, la peiture à l'huile était coûteuse et il utilisait les colorants avec lesquels, dans les hôpitaux, on soigne les maladies cutanées : vert de méthyle, violet de gentiane, solution de Milian, mercurochrome, teinture d'iode, etc et que lui donnaient les médecins et soignants, dont mon beau frère le pharmacien Jean Mounier. 
    
    L'art brut
(source Wikipedia et site de l'Aracine ( http://laracine.free.fr)

    Le concept d'art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet. Il aurait employé ce terme lors de son premier voyage en Suisse cette année-là avec Jean Paulhan, mais la première fois que l'expression apparaît, c'est dans une lettre qu'il adressa au peintre suisse René Auberjonois, le 28 août 1945.
    Il prolonge ainsi les découvertes et les travaux faits par le Docteur Hans Prinzhorn dans les années 1920 sur l'art des « fous », mais aussi l'étude que le Docteur Morgenthaler consacra en 1921 à un interné psychiatrique qui deviendra un célèbre représentant de l'Art brut, Adolf Wölfli.
    Très vite, en parcourant les asiles psychiatriques de Suisse et de France, puis en y intégrant des créateurs isolés et ceux que l'on a qualifié de « médiumniques », Dubuffet constitue une collection d'œuvres qui sera administrée par la Compagnie de l'Art brut (à laquelle sera associé un temps André Breton ) à Paris et, après bien des péripéties, sera finalement hébergée à Lausanne en 1975, où elle se trouve toujours, sous l'appellation de la Collection de l'art brut.

            Définitions de l'art brut

    L'Art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art, indemnes de culture artistique, œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d'asiles psychiatriques3, autodidactes isolés4, médiums5...). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle. Dubuffet redéfinira souvent l'art brut, cherchant à le distinguer de l'art populaire, de l'art naïf, des dessins d'enfants, créant même la Neuve Invention au sein de sa collection.

    « Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »
    Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’Art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, 1967)
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » Jean Dubuffet. 1960