par Madame Jeannine FOHLEN
(Procès-verbaux et mémoires de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon,vol.192, 1996/97, p.407-427, séance du 17 mars 1997)
Je ne pensais pas, en m'installant il y a trente ans dans une ferme aux Longevilles-Mont d'Or (Doubs, arr. de Pontarlier, cant. de Mouthe), pouvoir reconstituer l'histoire d'un village, qui a une existence vieille de six siècles et qui porte un toponyme caractéristique des villages de défrichement ; dans le département en effet, deux autres communes portent un nom presqu'identique : Longeville (arr. de Besançon, cant. d'0rnans) et La Longeville (arr. de Pontarlier, cant. de Montlbenoît), ce qui explique l'adjonction en 1923 du terme "Mont d'Or", et quatre autres ont des noms analogues : Longechaux (arr. de Besançon, cant.de Vercel), Longemaison (arr. de Besançon, cant. de Vercel), Longevelle-les-Russey (arr. de Montlbéliard, cant. du Russey) et Longevelle-sur-le-Doulbs (arr. de Montlbéliard, cant. de L'Isle-sur-leDoubs).
Situé à environ 900 m. d'altitude, près de l'actuelle frontière entre la France et le canton de Vaud, le village des Longevilles, qui faisait partie sous l'Ancien Régime de la Franche-Comté (ou comté de Bourgogne), avait une position administrative très originale : sur le plan laïc, il dépendait de la seigneurie de Rochejean (diocèse de Besançon) tandis que sur le plan religieux, comme les paroisses de Jougne et de Métabief, il était une succursale de la paroisse des Hôpitaux-Neufs, située dans la seigneurie de Jougne ; les quatre paroisses des Longevilles, des Hôpitaux-Neufs (avec sa dépendance Les Hôpitaux-Vieux), de Métabief et de Jougne constituaient le doyenné de Saint-Guillaume (ou commissariat de Bourgogne)1'J relevant du diocèse de Lausanne (joint depuis la Réforme à celui de Fribourg) et dont l'évêque était suffragant de l'archevêque de Besançon. Les quatre paroisses ont été rattachées au diocèse de Besançon au moment du Concordat de 1801, signé entre le consul Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII.
Le territoire du village, de la "communauté" selon le terme en usage sous l'Ancien Régime, devait avoir probablement la même configuration qu'aujourd'hui : au nord-est et au nord-ouest~ deux limites naturelles le séparaient respectivement de Jougne (l'arête sommitale des falaises du Mont d'Or) et de Fourcatier-Maison-Neuve (le Bief Rouge, un affluent du Doubs) ; les autres confins étaient beaucoup moins précis et ont généré les nombreuses querelles de bornage dont je parlerai plus loin, car les "frontières" couraient à travers les prés ou les bois du Noirmont, au nord (vers Métabiefl depuis le Bief Rouge jusqu'aux falaises du Mont d'Or, du sud-est au sud-ouest (vers Rochejean) depuis la crête du Mont d'Or (~J jusqu'à un pont sur le Doubs et le long de celui-ci jusqu'au confluent avec le Bief Rouge.
Après avoir brièvement indiqué où et comment j'ai pu exploiter les sources concernant Les Longevilles, je vous exposerai, dans un premier temps, les principaux aspects de cette histoire villageoise ; dans un deuxième temps, j'insisterai davantage sur la population ; je m'attarderai pour finir sur quelques familles. La base essentielle de mon étude est constituée par le plus ancien registre paroissial conservé, d'autant plus précieux qu'il en existe un seul exemplaire. Il s'ouvre en 1640, c'est-à-dire au lendemain même d'une catastrophe, la Guerre de Dix-Ans, qui a ruiné la Franche Comté des Habsbourg, quand Bernard de Saxe-Weimar et ses Suédois ont complètement dévasté la région en 1636-1639. Il se ferme en 1739, parce que les paroisses de la Franche-Comté devenue française ont dû se <:onformer à la déclaration d'avril 1736, prescrivant la tenue en duuble exemplaire d'un seul registre pour les baptêmes, les mariages et les sépultures. Il est assez facile de procéder au dépouillement exhaustif d'un registre paroissial de l'Ancien Régime, quand du moins la faible population de la localité concernée (300 habitants environ) fait équilibre à la longue période couverte par le document (un siècle). Les informations données par le registre ont été efficacement complétées ou recoupées par l'examen d'autres sources très variées (testaments, partages après décès, fondations de messes, donations de terres à l'église, transactions foncières, procès entre les paroissiens et leur vicaire, conflits de bornage avec les paroisses voisines, procèsverbaux de décisions communales, inventaires des titres et papiers).
La documentation concernant les Longevilles est actuellement répartie entre quatre dépôts ,deux à Besançon : les Archives Départementales du Doubs, où sont conservés entre autres le registre paroissial et une bonne partie des anciennes archives communales (j'avais heureusement pu consulter ces documents alors qu'ils se trouvaient encore à la mairie du village) et les Archives Historiques du Diocèse de Besançon ; le troisième à Pontarlier, aux Archives municipales, dont la collection Michaud renferme de nombreuses pièces sur les localités de l'actuel arrondissement de Pontarlier ; le dernier enfin à Fribourg (Suisse), aux Archives du diocèse de Lausanne-Fribourg-Genève.
Le village des Longevilles est mentionné depuis le XIVe s., d'abord le 24 mai 1341 dans un privilège accordé par Jean II de Chalon-Arlay l~l puis le 22 janv. 1350 dans la charte accordée à la seigneurie de Rochejean et qui affranchissait les habitants de la main-morte . La seigneurie de Rochejean était depuis le 2 avr. 1365 partagée entre deux co-seigneurs : un laïc, la famille de Chalon-Arlay et ses successeurs, et un ecclésiastique, l'abbaye du Mont-Sainte-Marie. Les habitants des différents villages devaient payer des droits et des redevances à l'un comme à l'autre, notamment au moment des transactions foncières.
Création du chatelain de Rochejean, la localité des Longevilles est, comme son nom l'indique, un village-rue, s'étirant en longueur au bord de la route et divisé en deux entités, au nord La Longeville Dessus, au sud La Longeville Dessous, où se trouve l'église dédiée à saint Sylvestre. Quelques documents indiquent la portion du village concernée : on dit couramment aujourd'hui Les Longevilles-Hautes et Les Longevilles-Basses. Si la commune des Granges-Narboz a conservé l'ancienne appellation pour les hameaux qui la composent (Les Granges-Dessous et Les Granges-Dessus), d'autres localités, constituant maintenant deux communes distinctes, formaient peut-être autrefois un seul village (Abbans-Dessous et Abbans-Dessus, Auxon-Dessous et Auxon-Dessus).
Plusieurs bâtiments sont indiqués dans les divers documents :
- la maison curiale, probablement voisine de l'église, et qui a servi au moins trois fois de lieu de réunions (1663, 1664 et 1690).
- une quarantaine de maisons : il est impossible de les localiser, sauf une exception, par manque de données précises. Huit d'entre elle, indiquées dans un bornage effectué en 1654, étaient vraisemblablement situées du côté de Rochejean, aux Longevilles-Basses ou sur les pentes du Noirmont ; une quinzaine d'autres figure de 1660 à 1694 dans divers documents (testaments, ventes, donation, réunions) ; douze dans le registre paroissial (pour les naissances d'enfants mort-nés ou pour certains décès).
- six forges, des tanneries, situées aux Longevilles-Basses, et un moulin, situé à "La Longeville Dessus".
Sans compter l'édifice actuel, il pourrait y avoir eu, mais je n'en suis pas sûre, deux lieux de culte successifs. Une visite pastorale effectuée dans le diocèse de Lausanne en 1453 (les délégués épiscopaux ont passé aux Longevilles le mardi 10 octobre) apprend qu'il s'agissait, dépendant de l'église Ste-Catberine des Hôpitaux, d'une simple chapelle "nouvellement construite ou fondée", inachevée et non consacrée, dédiée à saint Sylvestre. Ce vocable ne semble pas très fréquent dans le diocèse de Lausanne, puisque la visite pastorale en relève seulement deux : Cuarnens (cant. de Vaud, dist. de Cossonay) et Vadens (cant. de Fribourg, dist. de Gruyère). Un procès interminable sur la participation des Longevilles à l'entretien de l'église des Hôpitaux-Neufs, a longtemps opposé les habitants des deux paroisses et, d'après un traité passé à Jougne le 26 juill. 1461, les habitants du village, forçant un peu sur la chronologie, précisent qu'ils avaient obtenu du prince d'Orange (successeur des Chalon-Arlay) depuis "environ quinze ou seize ans" l'autorisation de construire une "nouvelle église" avec fonts baptismaux et cimetière. Qu'elle ait été épargnée au moment de la guerre de Dix Ans, ou bien incendiée et reconstruite, l'église posssédait depuis le XVII" siècle un maître-autel baroque en bois rehaussé de dorures et une chapelle dédiée à saint Pierre. L'église actuelle, qui a conservé le maître-autel baroque, a été reconstruite grâce à la générosité de l'empereur Napoléon III, sollicitée par Jacques-Séraphin Lanquetin, un enfant du pays, ayant remarquablement réussi dans les affaires et la politique. Ce B'sachard (tel est le surnom donné aux habitants des Longevilles) portait un patronyme, je vous en parlerai plus tard, qui est depuis bien longtemps et encore aujourd'hui le plus répandu dans le village.
Une douzaine de vicaires se sont succédé dans la paroisse entre 1640 et 1739. Je nommerai seulement Edmond Raguin, de Rochejean, (1664-1666), le premier rédacteur du registre et qui a eu le grand rmérite de recopier au moins les baptêmes à partir de 1640, et Pierre Gaudet (1690-1691), originaire des Longevilles et dont j'évoquerai aussi la famille. L'église, qui a servi au moins une fois de lieu de réunion était gérée par deux prud'hommes (ou "scabins" ou "fabriciens" selon les documents), dont on connaît les noms pour quatre années seulement. Pour les biens dépendant de l'église (maisons, pièces de terre arable, prés), il existe deux inventaires (1574 et 1664) .
La confrérie du Mont-Carmel était dirigée par deux prieurs dont le mandat semble avoir été de deux ans et dont on connaît les noms pour la seconde moitié du XVIIième siècle, seulement. Les fondations pieuses auprès de la confrérie, dont les originaux étaient déposés à la maison curiale, ont fait en 1752 et en 1773 l'objet de deux inventaires. De 1645 à 1750, il y a eu ainsi plus de cent-cinquante messes, demandées par les fondateurs pour eux-mêmes ou pour les défunts de leur entourage. La très grande majorité de ces fondations est constituée par des sommes d'argent mais il peut y avoir aussi des dons de terres ou de prés.
Le conflit entre les paroissiens des Longevilles et les curés des Hôpitaux-Neufs remonte au XV" s. J'ai cité plus haut le traité de 1461, mais cette guerre séculaire continuait encore au XVIIe s., comme en témoigne une douzaine d'autres documents apparemment inefficaces (récriminations, compromis, procès-verbaux de réunions ou mandements épiscopaux), qui s'échelonnent de 1654 à 1694. Antoine Pareau, curé des Hôpitaux-Neufs, se plaint ainsi en 1675 des paroissiens, qui ont notamment "tiré par colère des coups de pistolet à l'entrée de l'église". Toutefois ses ressentiments à l'encontre de fidèles récalcitrants ne l'ont pas empêché de léguer par testament en 1695 tous ses biens aux pauvres des quatre paroisses de Jougne, les llôpitaux, Rochejean et les Longevilles et d'y fonder, pour 15 sols par messe, douze messes annuelles dans chaque église.
Depuis au moins 1461, le village était géré par deux prud'hommes et un nombre variable de conseillers et jurés (par exemple onze en 1664, trente-et-un en 1673, dix en 1694). Comme pour la confrérie du MontCarmel, on connait les noms des prud'hommes seulement pour la seconde moitié du XVIIième s. et la comparaison des deux listes (prieurs de la confrérie du Mont-Carmel, avec 31 noms ; prud'hommes de la communauté, avec 26 noms) montre que, si les responsabilités étaient exercées alternativement par de nombreux habitants, plusieurs personnes se retrouvent dans les deux listes.
Parmi les décisions d'ordre administratif, on notera surtout un bornage, effectué le 2 juin 16s4 par les deux prud'hommes des Longevilles (Pierre Pareau et Jean Gaudet), ainsi que neuf autres habitants nommément désignés, pour fixer les limites entre les communaux et les terrains privés.
Les documents d'ordre financier sont en petit nombre et surtout très disparates. Entre 1640 et 1739, une trentaine de titres de rentes constituées au profit de diverses personnes ou institutions (à noter une rente de 1600 fr. destinée aux Annonciades de Pontarlier en 1735. En 1660, une réclamation déposée par les prud'hommes pour obtenir un abattement sur les tailles, à cause des "malheurs de guerre" survenus pendant les années 1636-1638 au service du roi d'Espagne. En 1664, le tarif des enterrements est fixé à 6 francs "pour les grands corps", 3 francs "pour les moindres" et 10 francs pour les étrangers, mais il y a un seul compte-rendu global, celui de l'année 1734. Cette année-là, la taille a rapporté 174 liv, 14 s. 6 d., la capitation 928 liv.6 d., l'amodiation des communaux pour trois ans 259 liv, 17 s. 9 d, et la vente des bois 165 liv. 18 s.
La vie économique est connue par deux évaluations d'ensemble, distantes d'une quarantaine d'années. Pour le cheptel , le dénombrement de 1688 mentionne 502 têtes de bétail (49 chevaux, 11 poulains, 193 vaches, 97 veaux, 115 moutons et 37 chèvres), à noter que les villages du secteur ne possèdent ni boeufs ni porcs. Un recensement du territoire communal a été effectué le 8 mai 1726. Le village contenait en tout 500 journaux de terre (environ 1450 ha) dont 250 de terre labourable (environ 725 ha), 260 fauchées de prés (environ 754 ha) et 60 arpents de bois (environ 138 ha). Il est difficile de donner les équivalents exacts de ces mesures anciennes, le journal et la fauchée valent à peu près un tiers d'hectare, l'arpent moins d'un demihectare. Le territoire communal actuel est de 1325 ha, dont 578 en forêt.
Plusieurs actes notariés, rédigés entre 1640 et 1718, donnent un aperçu des transactions foncières (testaments, donations, ventes, partages ou échanges), qui ont souvent joué un grand rôle pour prouver dans les querelles de bornage la possession des terrains et permettent éventuellement de compléter les renseignements généalogiques donnés dans le registre paroissial.
Aussi âpres que ceux avec le curé des Hôpitaux-Neufs, les conflits avec les paroisses voisines concernent principalement les questions de bornage et de pâturage. Du côté de Rochejean, le village voisin le plus proche et le siège de la seigneurie, une première délimitation avait été établie en 1603, mais les difficultés ont sans cesse ressurgi, notamment en 1681-1682. Deux problèmes opposent les Longevilles à Fourcatier-Maison-Neuve, village situé au delà d'un affluent du Doubs, le "petit Doubs" (aujourd'hui le Bief Rouge), qui délimite les deux paroisses : un droit de pâturage, réglé le 5 avr. 1564 et renouvelé le 13 juill. 1606 et, en 1723, l'entretien des deux ponts de bois sur le Bief Rouge. Avec Métabief, il s'agit également des droits de passage et de pâturage, accordés le II juill. 1426 aux habitants des Longevilles par le châtelain de Jougne, pour lesquels est demandée en 1727 une enquête supplémentaire, suivie en 1734 seulement par l'arrêt définitif du parlement de Besançon.
Parmi les professions, sont cités, outre les vicaires et curés, trois notaires et, pour le XVIIP s. seulement, trois instituteurs ; deux d'entre eux sont originaires des Longevilles : Louis Bourgeois (1724 et 1727) et Claude-Joseph Lanquetin (1734), le troisième, Claude-Joseph Gillard, vient de Chaux-Neuve (1738-1739).
Plusieurs métiers étaient pratiqués dans le village, puisqu'on relève un charpentier, trois barbiers, un cordonnier, six forgerons et/ou maréchaux-ferrants , huit laboureurs, un maçon, un meunier, trois accoucheuses (en fait des femmes plus âgées ou plus expertes qui aidaient les jeunes mères), un taillandier, deux tailleurs, deux tanneurs et deux tisserands.
A côté des notaires écrivant les actes et des vicaires rédigeant le registre paroissial, les principaux chefs de famille, qui sont bien souvent les prudhommes ou conseils et jurés, ont signé plusieurs documents, parfois à titre collectif dans les délibérations, les motions ou les procès-verbaux, parfois à titre individuel dans les transactions foncières. On retrouve souvent les mêmes signataires d'un document à un autre.
C'est seulement dans les dernières années du registre paroissial, entre 1723 et 1739, qu'apparaissent les signatures, parfois réduites aux initiales : 258 au total (70 pour les baptêmes, 128 pour les mariages et 60 pour les décès). Il y a 25 indications de personnes illettrées : quatre hommes et vingt-et-une femmes, mais il est impossible d'évaluer exactement le pourcentage des signataires par rapport au reste de la populatiton, car tous ceux qui savaient lire et écrire n'ont pas toujours signé lorsqu'ils intervenaient à un titre ou un autre.
La très grande majorité des différents signataires, essentiellement des hommes, figure une fois seulement dans le registre ; une douzaine d'autres a signé à deux reprises ; parmi les signataires qui reviennent plus souvent, on peut citer Jacques-François Landry (20 fois en 1738 et l739) et deux des instituteurs, Louis Bourgeois (11 fois de 1726 à 1736) et Claude-Joseph Gillard (25 fois en 1738 et 1739). Mais il y a seulement six signatures féminines : la première pour une donation (Claudine Frère, soeur, femme et mère de notaire, en 1658), quatre marraines (Marie-Agnès Tavernier en 1736, et Jeanne-Marguerite Lantjuetin, Claudine-Catherine Bourgeois et Anne-Françoise Ferreux en 1739) et une seule épouse (Marie-Elisabeth Pareau en 1730).
Les informations fournies d'un côté par le registre paroissial, de l'autre par les divers documents étudiés, m'ont permis de rassembler de nombreux renseignements sur la population du village et sa démographie, comme sur les relations de famille et/ou les localités d'origine des diverses personnes en cause (couples - enfants baptisés; parrains et marraines - conjoints, témoins aux mariages - défunts, déclarants des décés).
l ) les mariages
Le registre paroissial recense seulement 159 mariages, en trois séries chronologiques discontinues (trente de 1642 à 1651 ; soixante-dix-huit de 1658 à 1693 et cinquante-et-un de 1726 à 1739). Il y a par an au plus 7 mariages (1649, 1680 et 1734) ou 8 mariages (1669 et 1729).
Mais j'ai pu reconstituer environ quatre cents couples, dont l'un ou l'autre conjoint parfois même les deux, ont été baptisés, se sont mariés, ont fait baptiser, marier ou enterrer leurs enfants et ont été eux-mêmes enterrés aux Longevilles. Certains de ces couples sont connus seulement par leurs actes de décès ou, indirectement, par les baptêmes de leurs filleuls, les mariages ou les décès de leurs enfants, voire même par les autres sources (transactions foncières, testaments, partages, fondations).
S'agissant de la date du mariage, les informations données par le registre sont plus ou moins complètes :
- l'année seule est relevée dans vingt-trois actes (soit 14,4 %), notamment au cours de la période 1642-1649 ou dans la deuxième moitié du XVIIième s.
- l'année et le mois figurent dans vingt-quatre actes (soit 15 %), tous, sauf un, du XVIIième s.
- l'année, le mois et le quantième sont donnés dans cent-douze actes (la très grande majorité, soit 70 %), soixante-quatre pour le XVIIième s.et quarante-huit pour le XVIIIième s.
Le mois figure donc dans cent-trente-six actes de mariages et le tableau ci-dessous montre que les unions ont été célébrés surtout en novembre, puis en avril et février, quelquefois en juin ou janvier, plus rarement en juillet, octobre et septembre, ou encore en mars, mai et août, mais aucune en décembre.
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janvier |
11 |
8 |
juillet |
9 |
6,6 |
février |
21 |
15,4 |
août |
1 |
0,7 |
mars |
5 |
3,6 |
septembre |
6 |
4,4 |
avril |
25 |
18,3 |
octobre |
9 |
6,6 |
mai |
3 |
2,2 |
novembre |
34 |
25 |
juin |
12 |
8,8 |
décembre |
0 |
L'indication du quantième permettant facilement de trouver le jour de la sema1tle, un deuxième tableau montre que près de la moitié des mariages ont été célébrés un mardi, environ un cinquième le lundi et le jeudi ; les autres jours, représentant moins d'un dixième, étant par ordre décroissant le samedi, le mercredi, le dimanche et le vendredi.
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lundi |
18 |
16 |
vendredi |
3 |
2,7 |
mardi |
54 |
48,2 |
samedi |
8 |
7,1 |
mercredi |
7 |
6,2 |
dimanche |
4 |
3,6 |
jeudi |
18 |
16 |
L'âge au mariage est très rarement indiqué et seulement dans les deux dernières années du registre : deux en 1738 (le premier pour le mari et la femme, le second pour le mari) et un en 1739 pour le mari et la femme. Cependant, en tenant compte de la date de naissance des conjoints, quand du moins ils ont été baptisés aux Longevilles, et de la date du mariage, il a été possible de déterminer l'âge au mariage pour 142 conjoints (76 hommes et 66 femmes). Dans cet échantillon, malheureusement trop restreint, l'âge des époux varie de 15 à 52 ans et celui des épouses varie de 17 à 37 ans, mais en fait la majorité des mariages a lieu pour les hommes surtout entre 24 et 29 ans (33 fois, soit 43,42 %) et pour les femmes surtout entre 20 et 28 ans (29 fois, soit 44%). Le rapport entre les âges des conjoints a pu être calculé 82 fois. Dans 53 couples, le mari est plus âgé (de 1 à 13 ans, avec le plus souvent un écart de 5 à 7 ans, et une exception de 19 ans (il s'agit du second remariage de l'homme). Dans 25 couples, il est plus jeune (de1 à 11 ans, avec le plus souvent un écart de 1 et 2 ans). Les deux conjoints ont le même âge dans quatre couples.
Les remariages sont plus fréquents chez lcs hommes (une vingtaine environ, dont trois mariages pour Denis Authier) que chez les femmes. Plusieurs des patronymes caractéristiques du village sont attestés dès les premiers documents disponibles : Jacquet. Labrut, Magrin, Marandin, Paillard et, peut-être, Lanquetin (en 1461). Authier et Cuinet (en 1530), Bourgeois, Ferreux et Vauchy (en 1537), Barthelet Gaudet, Lombarde-Fidé et Rousselet (en 1589). D'autres apparaissent seulement dans le registre paroissial (Beau, Belle, Lance, Landry, Moureau, Pareau, Pareau-Gousse, Petite-Pochy et Vionnet). Quelques-uns ont disparu aujourd'hui (Barthelet - dont le nom survit dans une ferme sur la route du Mont d'Or - Jacquet, Lance, Landry, Vionnet).
Les conjoints sont, dans la très grande majorité, tous deux originaires des Longevilles. Les autres (maris comme femmes) viennent soit des villages voisins (Rochejean et Métabief notamment, mais aussi Jougne, Labergement, La Villedieu, Fourcatier et Boujeons), quelques fois de paroisses plus lointaines (par exemple Chantegrue, Chaudron, La Ferrière, Les Fourgs), plus rarement de localités situées hors de l'actuel département (Poligny, Mignovillard et Annecy). Après la Guerre de Trente Ans, l'immigration fribourgeoise en Franche-Comté a été très importante et, à sa modeste échelle, le village des Longevilles ne fait pas exception, puisqu'une jeune fille et quatre garçons venant de Suisse ont trouvé, entre 1661 et 1734, des conjoints aux Longevilles. Seuls deux couples ont fait souche dans la paroisse. Retenons simplement Claude Vionnet (t1681), originaire de Sales (cant. de Fribourg) et marié en 1669 avec Pétronille Ferreux, qui est, par son fils posthume Jean-Claude (1681), l'arrière-arrière-grand-père de Louis-Joseph Vionnet (1769, Les Longevilles-1834, Paris), officier dans les armées de Napoléon I, créé baron de Maringone en 1814.
2) les naissances :
Du 26 déc.1640 au 2 déc. 1739, donc exactement pendant un siècle, 1129 baptêmes ont été enregistrés, soit une moyenne annuelle de 11 naissances et trois années avec plus de 20 naissances (1651, 1692 et 1723). On peut compter :
- une soixantaine de familles nombreuses (entre 6 et 15 enfants).
- dix-huit naissances gemellaires (il est intéressant de noter que cinq paires de jumeaux se retrouvent dans les différentes branches de la famille Lanquetin et cinq autres appartiennent à trois générations successives de la famille du notaire Pierre Pareau).
- seize enfants morts-nés (8 garçons et 4 filles).
- quatre naissances d'enfants posthumes.
- une vingtaine d'enfants naturels : je citerai seulement une Dorothée, originaire de Lucerne. et un gruyérois, Claude Progin, de Vadens (cant. de Fribourg, dist. de Gruyère), qui ont fait baptiser en I657 leur fils Barthélemy . Du même Claude Progin et de Claire Lanquetin est née en 1661 Marie Lanquetin qui, en 1688, faisait à son tour baptiser une fille, Elisabeth, née de père inconnu.
Les prénoms simples les plus répandus sont Claude pour les garçons et Claudine pour les filles (ce qui n'est pas étonnant, puisqu'il s'agit du patron de la Franche-Comté). Viennent ensuite Pierre, Antoine et Jacques pour les uns, Jeanne, Anne et Denise pour les autres. Les prénoms doubles les plus fréquents sont Jean-Baptiste, Claude-Joseph et Claude-Antoine pour les garçons. Jeanne-Claudine, Jeanne-Antoinette et Marie-Françoise pour les filles. Il y a par conséquent de nombreux homonymes dont certains nés la même année (le cas se produit sept fois de I652 à 1739), et les actes précisent parfois l'ancien ou le jeune, ou bien donnent, pour éviter toute confusion, soit la profession de l'intéressé soit le prénom de son père. Le prénom du parrain ou de la marraine est généralement donné aux filleuls, mais bien peu de baptisés portent le nom du patron de l'église, Sylvestre.
Les parrains et marraines habitent presque toujours la paroisse (comme Jeanne Carrad, la femme de Louis Landry, quatorze fois mariaine de 1647 à 1666). Sinon, tout comme les conjoints, ils viennent le plus souvent des localités voisines (notamment Rochejean, Métabief, Jougne. Labergement. Les Hôpitaux), mais parfois de plus loin (Pontarlier, Besançon, Beaumont, Froidefontaine, Lons-le-Saunier, Poligny, sans compter trois parrains et deux marraines natifs de villages fribourgeois).
3) les décès
Le registre paroissial recense 299 décès, en trois séries chronologiques discontinues (un en 1655, cent-cinquante-quatre de 1664 à 1693 et cent-quarante-quatre de 1723 à 1739). Quelques années se distinguent par un nombre élevé de décès : seize en 1738, dix-sept en 1728, dixhuit en 1739, et les 27 enterrements de l'année 1680 constituent une triste exception (les autres années recensent seulement une moyenne de 4 décès par an). Le registre n'en explique pas l'origine, mais le maire de Rochejean m'a appris qu'il y avait eu une épidémie de peste, localisée à quelques villages (Rochejean et Les Longevilles) et qui a frappé 13 enfants en bas-âge dans cette dernière commune. Certaines familles ont été plus durement touchées que d'autres, perdant deux enfants sur trois, ou trois enfants sur cinq, voire le père et deux enfants sur quatre.
L'heure approximative (circa horam...) du décès est mentionnée dans 45 actes rédigés entre 1664 et 1679. On compte ainsi 28 décès survenus du matin juqu'à midi et 17 survenus l'après-midi ou le soir.
L'administration des sacrements est indiquée dans 98 actes, sous différentes formules. Les inhumations se font, dans la quasi totalité des cas, au cimetière. Mais seize personnes ont eu néanmoins l'honneur posthume d'être enterrées dans l'église, dont une dans la chapelle St-Pierre.
Des précisions sont parfois données sur l'âge, exact ou approximatif (une centaine de fois), le lieu (par exemple le Vézenay, Malbuisson) ou les circonstances du décès. En 1679, Anne Cuinet est morte près des Longevilles d'une crise d'apoplexie alors qu'elle regagnait sa maison située sur le Noirmont. Trois hommes ont été écrasés par des arbres. En 1667 Vincent Lombarde, venant de Rochejean avec une voiture trop lourdement chargée. En 1668 Edmond Ferreux-Bougnet, au lieu dit La Combe. En 1736 Edmond Gaudet . En 1734, Antoine, fils de feu Claude Lanquetin est "mort en Suisse d'un eboulement de terre qui luy tomba sur le corps lorsqu'il travaillait à la mine au Brassut".
Un tableau de la mortalité a pu être dressé, quand l'âge du défunt est indiqué ou quand la personne décédée, identifiée à coup sûr, est née aux Longevilles : 18 cas de mortinatalité (deux de ces cas figurent seulement dans le registre des décès), 45 cas de mortalité infantile (de la naissance à 10 ans), 5 cas pour les adolescents (de 14 à 20 ans), 19 cas pour les adultes (de 21 à 60 ans), 26 cas pour les vieillards (au delà de 60 ans).
1) Une dynastie prolifique : les Lanquetin
Une étude sur la population des Longevilles ne peut passer sous silence le patronyme le plus répandu, Lanquetin, dont l'origine pose cependant un problème. Le traité conclu le 26 juill. 1461 entre les hahitants des Longevilles, des Hôpitaux-Neufs et des Hôpitaux-Vieux, cite parmi les représentants des Longevilles un "Jean Langustin" ; une première copie, du 26 fév. 1680, donne "Lanquetin". Une deuxième copie, également du XVIIième s., transcrit "Laugustin". C'est cependant la graphie "Lanquetin" qui figure à partir de 1530 dans tous les actes connus.
Quoi qu'il en soit, ce patronyme est porté par 160 enfants sur 1.129 baptisés (soit 14%), par 43 maris et 22 femmes sur 356 couples (soit respectivement 12% et 6%), par 26 défunts sur 283 (soit 9%). La dynastie Lanquetin est apparentée à la plupart des familles du village, car plus de la moitié des garçons et près de la moitié des jeunes filles ont trouvé un conjoint dans la paroisse. Il n'est pas étonnant dans ces conditions de rencontrer, dans la première moitié du XVIIIième s., sept mariages entre deux conjoints Lanquetin, dont la parenté est suffisamment éloignée pour ne pas nécessiter une dispense canonique.
L'exemple des baptêmes montre hien la puissance numérique des diverses branches Lanquetin : de 1644 à 1739, et pratiquement chaque année, elles ont fourni environ 250 personnes, presque le dixième des parrains et des marraines (la même personne peut bien entendu figurer dans plusieurs actes de baptême, mais il est difficile de départager les homonymes). Dans les actes où le parrain et la marraine sont des Lanquetin, on compte quinze baptêmes (de 1709 à 1739), où les deux parents portent aussi ce patronyme : douze baptêmes (de 1645 à 1731) où le père est un Lanquetin ; quatre haptêmes (de 1719 à 1726) où la mère est une Lanquetin.
Sept branches sont connues dès les vingt premières années du registre et j'en retiendrai seulement deux : celle d'Etienne, dit l'ainé, et celle de Jean, dit le tailleur.
Parmi les six enfants d'Etienne l'ainé (tI678), et de sa femme Anne Defrasne-Sager, on peut signaler son premier fils et homonyme, Etienne le jeune (1646-1724) ; marié le 10 nov. I67I avec Jeanne Ferreux-Grandpierre, dont il a eu huit enfants, Etienne le jeune, quia été enterré dans l'église même, a fait construire aux LongevillesBasses, dans la rue principale du village, une maison, qui existe toujours, avec un linteau portant la date et le monogramme (16-E-L-73). C'est dans cette maison que, le 15 avr. 1694, soixante-dix chefs de famille se sont réunis pour protester contre l'ingérence du curé des Hôpitaux-Neufs dans la nomination du vicaire des Longevilles. L'un des petits-enfants d'Etienne le jeune, Pierre-Denis (I711-I805), a occupé la cure de Jougne de 1748 à I77I. Déporté au moment de la Révulution, il a pu heureusement finir ses jours dans son ancienne paroisse. Le frère cadet d'Etienne le jeune, Antoine (1654-+avt.1727), possédait une tannerie, pour l'implantatiun de laquelle une pièce de terre située "sous le clos Pareau" lui est cédée en 1690 par les responsables du village et de la paroisse. La carte de Cassini (XVIII" s.) signale l'existence de tanneries à la sortie sud-ouest des Lungevilles-Basses vers Rochejean.
Jean, dit le tailleur, et sa femme Jeanne Guyet, originaire de Boujons, sont par leur fils Jacques-François et leur petit-fils Jacques-Louis, les arrière-grand-parents de Jacques-Séraphin Lanquetin, dont l'interventiun a permis au XIX" s. la recunstruction de l'église.
2) Une famille de notables : les Pareau
Originaires de Romainmôtier, les Pareau se sont d'abord établis à Rochejean, mais Pierre (+ca.I69I) le fils du notaire Jean Pareau et de Claudine Frère (+649 - cette dernière a signé dans une donation), s'est installé aux Longevilles et l'on peut retracer à la fois sa carrière et sa famille. En sa qualité de prud'homme, Pierre Pareau a participé au bornage de 1654 (où son nom figure pour cinq terrains). En sa qualité de notaire, il a établi entre 1668 et 1688 au moins huit actes privés (ventes, achats, échanges ou testaments) et a signé diverses motions dans le conflit qui opposait la paroisse au curé des Hôpitaux-Neufs et a rédigé au moins cinq documents concernant la communauté (en 1664, 1673 et 1674 trois procès-verbaux des délibérations communales ; en 1664 la liste des biens dépendants de l'église ; vers 1678 un inventaire des papiers conservés dans le coffre de la communauté).
De son mariage en avr.1649 avec Jeanne-Baptistine Moureau, Pierre Parteau a eu neuf enfants entre 1651 et 1674. Deux des fils sont devenus prêtres : Claude-Simon (16Sl-1722), auquel ses parents avaient accordé en 1674 une rente annuelle de cinquante écus pour financer ses études, a été curé de Labergement, puis pendant quatre ans commissaire épiscopal auprès de l'évêque de Lausanne, Mgr Jean-Baptiste de Strambino et enfin curé des Hôpitaux-Neufs. C'est lui qui a fait construire en 1694 une nouvelle église dans cette dernière paroisse. Jean (1671-1728), d'abord curé de Labergement, a succédé à son frère Claude-Simon dans la paroisse des Hôpitaux-Neufs, tout en étant commissaire épiscopal. Deux autres ont épousé des jeunes filles, probablement les deux soeurs originaires de Jougne. Claude (1656-l729), lui aussi notaire, et sa femme Anne-Hélène Simon ont eu six enfants entre 1685 et 1697. Leur troisième fille, Marie-Elisabeth (1694), a épousé en 1730 Pierre-Louis Pagnier (et c'est la seule épouse ayant signé son acte de mariage). Antoine (1660-1725), s'est marié d'abord avec Claudine Simon, dont il a eu quatre garçons entre 1685 et 1693, puis avec Claudine-Françoise Poix (+1734). Cependant Claude et Antoine ne semblent pas avoir joué dans la communauté des Longevilles le rôle tenu par leur père Pierre. A la génération suivante, Jacques-François (1691), le troisième fils d'Antoine, seul tenant du nom, et sa femme, Jeanne-Claudine Vermod, originaire elle aussi de Jougne, ont eu entre 1716 et 1739 le nombre, record pour le registre,
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Quatre signes montrent bien que les Pareau sont une famille de notables : la profession de ses membres (hommes d'église ou juristes) , les titres honorifiques ("dominus", "domicella", "le sieur", "la demoiselle") précédant bien souvent les noms et prénoms dans plusieurs actes de baptêmes, de mariage ou de décès , le choix des parrains et marraines marquant la cohésion familiale et/ou l'importance sociale , le privilège d'être inhumés dans l'église. Ainsi la fille de Pierre Pareau, Jeanne-Marie, en janv. 1681 (et enterrée dans la chapelle St. Pierre) ; le fils d'Antoine Pareau, Pierre-Joseph, en 1686 ; Antoine Pareau en 172S ; Claude Pareau en 1729 ; la seconde femme d'Antoine Pareau, Claudine-Françoise Poix, en 1734.
3) Les Granges-Barthod et la famille Gaudet :
Les Granges-Barthod sont, de toutes les fermes ou granges plus ou moins isolées dans la montagne au-dessus du village, la seule dont on puisse retracer le développement, parce qu'elle est limitrophe de la communauté de Rochejean et de ce fait souvent mentionnée dans les documents (~~l ; des deux éléments du toponyme "Les GrangesBarthod", le premier vient d'un lieu-dit "le prel des Granges", le second est tout simplement le diminutif du prénom Barthèlemy, généralement orthographié "Bartholomé".
La famille Gaudet et les Granges-Barthod sont associées depuis au moins le début du XVIIième s.. Barthèlemy (ou Bartholomé) Gaudet, achète en 1601 à Antoine Guignard, de Saint-Antoine, plusieurs pièces de terre au lieu-dit "le pré des Granges". Son fils Jean, dit "Barthod" assurément pour le distinguer d'un homonyme, effectue quatre acquisitions de prés dans le même secteur. Jean Gaudet-Barthod était propriétaire d'une "maison de pierres et de bois consistant en quattre rang et curtil joignant avec un lopin de terre", mentionnée en 1625 et appartenant alors à Claude, fils de Barthèlemy Labrut. Les biens de Jean Gaudet-Barthod, décédé avant 1630, ont été partagés entre ses héritiers, nommés avec précision dans le jugement de 1682 : "davantage en montant plus haut et presque au voisinage de la délimitation de la montagne du Noirmont sont situés plusieurs héritages à présent possédés par Denis et Claude Gaudet et les héritiers de feu Bartholomé Gaudet, tous fils de feu Jean Gaudet dit Barthod".
Parmi les enfants de Jean Gaudet-Barthod, on peut citer Denis; prud'homme en 1664 et prieur de la confrérie du Mont-Carmel en 1671 ; Jean l'ainé, prieur en 1648, 1660 et 1671, et prud'homme en 1654 et 1677 ; Jean, dit le jeune, prieur de la confrérie du Mont-Carmel en 1665 et prud'homme en 16761. L'une des deux dispenses pour consanguinité relevées dans le registre concerne Edmiond (1664), le fils de Denis, et Etiennette (1667), la fille de Jean l'ainé. Le mariage a été célébré le 18 juin 1682, soit treize jours après la naissance de leur fillette, Claudine (5 juin 1682). Un fils de Jean le jeune, Pierre, né aux (granges-Barthod le 19 sept. 1664, a été vicaire aux Longevilles de 1690 à 1691, avant de desservir deux paroisses de la Suisse romande (Vuissens et Cugy).
Les divers membres de la famille Gaudet sont régulièrement attestés pour des achats de terres ou de prés au "prel des Granges", que ce soit les fils de Jean Gaudet-Barthod (Denis, Claude, Jean l'ainé et Jean le jeune) ou son petits-fils (Guillaume). Deux lieux-dits, toujours en usage aujourd'hui, sont les témoins de la forte implantation des Gaudet dans le secteur : l'un en contre-bas des Granges-Barthod ("la Croix Gaudet", l'autre au dessus ("la Côte Gaudet"). Les terres des Granges-Barthod appartiennent toujours à la famille Gaudet, même si les patronymes ont changé par suite d'héritages. Le cadastre de 1839-l840 montre qu'il existait plusieurs fermes voisines : une double et quatre isolées. Il ne reste plus aujourd'hui qu'une moitié de la ferme double, dont certaines parties remontent au XVIIième s., avec trois linteaux de portes datés : le premier (A - 1779 - G) a été placé par Augustin (1727-1806), un arrière-petit-fils de Jean le jeune , le second (18 - J. B. G. - 38) par Jean-Baptiste (1786-1868), petit-fils du précédent ; le troisième (17 - P. A. G. - 88), probablement remployé et situé maintenant au-dessus d'une fenêtre, concerne Pierre-Antoine (1739-1808), arrière-petit-fils de Denis.
Il ne m'est pas possible d'analyser ici tous les documents conservés, qui donneraient davantage de renseignements sur le village, sa population son territoire et ses activités. Je me bornerai à deux conclusions :
- l'évolution du nombre d'habitants : un dénombrement de 1614 signale 80 feux (environ 400 habitants) ; celui de 1688, mentionné plus haut pour le cheptel, fait état de 59 feux, abritant dans 45 maisons 60 hommes, 68 femmes, 142 enfants, 5 valets et 7 servantes, au total 282 habitants. Le village, qui a continué à se développer jusqu'à la Révolution, comptait 624 habitants au recensement de 1790. Deux siècles plus tard, en 1990, il retrouvait à peu près le chiffre de 1688 (326 habitants au lieu de 282).
- la comparaison avec les paroisses voisines : en 1688, tant pour la population (282 habitants) que pour le cheptel (502 animaux), le village se situe au second rang derrière Rochejean (324 habitants et 586 animaux), le siège de la seigneurie. Le troisième rang étant tenu, pour la population ,par Jougne, siège d'une autre seigneurie (277 habitants) et, pour le cheptel, par Labergement (368 animaux).