Au dela de l'image d'Epinal ci-dessus, voici un document qui vous expliquera, mieux que les discours et les images de propagande de l'époque, la réalité de l'expression " il pleut comme à Gravelotte.". Ayons une pensée pour le jeune cultivateur des Longevilles, qui écrit à ses parents pour les rassurer : il va mourir le lendemain, à Gravelotte ...

C'est sans doute le document le plus émouvant de nos recherches. Vers 1960, dans un recoin du grenier familial, un vieux portefeuille contient une lettre à en-tête de l'Armée du Rhin, datée du 14 août 1870. Sans doute gardée pieusement par ses parents, c'est la dernière lettre "du petit"... Ecrite au crayon, dans le retranchement, elle leur raconte la bataille terrible vécue la veille. Dans un français incertain et à l'orthographe faible, c'est toute la détresse d'un soldat de 20 ans. Quittant ses verts pâturagesdu Haut Doubs, le voici dans l'enfer et l'absurdité d'un combat meurtrier. Il a peur, il a faim, il va mourir comme son camarade Colisson, de La Cluse...

Il s'appelait Just Palmyr LANQUETIN, c'était le fils de Silvestre Félix et le frère d'Ulysse et de Louis Séraphin. Un frère était déjà mort à la guerre de Crimée...Il habitait aux Longevilles, il avait 20 ans : il moura le lendemain. On ne retrouva pas le corps. Mais, huit ans plus tard (!!), la famille reçut une attestation du Ministère de la Guerre attestant que Just Palmyr était bien mort près de Rezonville lors de la bataille de Gravelotte. L'attestation fut retrouvée,120 plus tard, chez un autre descendant de Silvestre Félix, Jean René FAURE (mère Simone LANQUETIN) qui possédait, en plus, la photographie de notre malheureux ancêtre ! Signalons que la commune de Gravelotte et ses élus ont tenu à marquer cet épisode par la réalisation d'un Chemin de la Mémoire. Il parcours les lieux tragiques des combats et des endroits où Palmyr est mort, avec tant d'autres. Guerre mal connue, chefs incapables, morts anonymes...Rappelons que dans quelques mois, sur le lieux même de ces combats, Arthur RIMBAUD écrira "Le dormeur du val" : ce soldat était peut être Palmyr...

 Et, en 2010, le Conseil municipal de Gravelotte, à l'unanimité, a décidé de donner le nom de Palmyr LANQUETIN à une rue de la commune, en la mémoire des morts de ces combats terribles et peu connus.

Lisons cette lettre, avec son orthographe d'un simple garçon de la campagne, désirant rassurer ses parents dès que possible.

Et si cette lettre servait à la réconciliation franco-allemande ??

Metz le 14 Aout 1870

Mes chers Parents

Je m'empresse de vous ecrire pour vous dire que je ne suis ni tué ni blessé mais je nen nai pas passé bien loin car je vous assure que cetais une bataille sanglante sa a commencer a neuf heure du matin jusqua neuf du soir nous nétions que vingt a trente mille contre centcinquante mille nous avons eu beaucoup dhommes hor de combat mais aumoins quatre fois moins que les Prussiens on croit quils ont perdus trente mille hommes mais que pouvions nous contre tant de monde il a déja falu bucher (?) pour ne pas les laisser marcher plus vite car nous les avons mainttenu sur les Frontieres seulement ils etais cacher dans les bois et nous nous etions dans la plaine je t assure que cetais terrible de voir tout cela

J'ai un de mes camarades qui a eu la tete emporter d'une bombe j'ai eu beaucoup de camarade qui etais l'hiver passe avec moi de tué... Colisson de la Cluse a été bien abimé seulement il n'est pas mort desuite il a encore vecu quarante huit heure il avais des bales partout a la tete a la poitrine dans les bras et dans les jambes seulement je vous recomende de nen pas parlez car l on ne dira pas a ses Parents ce quil a eut et s'il le savais ils serais trop peiner il y en a un qui etais coucher a coter demoi quand nous sommes arriver au feu cart l'on nous a fait coucher un moment avant de commencer le feu son bras touchais ma cuisse il arrive une bale qui lui travaerse le bras cela ma fait un petit mouvment car les bales pleuvais comme la grelle l'on aurais dis des bourdons qui volais a coter de nous mais quand il y a un moment que l'on n est sa ne fait pas autant nous avons voyager depuis le cinq jusqu'au douze

L on voyagais jour et nuit le troisieme et le quatrieme jour nous n'avons put trouver a manger pas meme du pain l'on alais mendier chez le Paysans mais l'on ne pouvais pas trouver a manger cart il y avais deja passé un corps d'armée avant nous je vous assure que l'on étais fatigué quand nous somme arriver prs de Metz cart l'on a une bonne charge a porter et mal nourit avec de l'argent l'on ne pouvais rien avoir l'on avais quinze cent prisonniers Prussiens.. et ainsi que deux pieces de canon et deux drapeaux ils ont éter conduit a Metz nous sommes campez a quatre kilometre de Metz il y a au moins deux cent mille hommes tout les Civiles a Metz sont armer les Gardes Mobiles maneuvre dure aussi je vous dirai que maintenant je suis abitué a coucher sur la Terre l'on dort la dessus comme dans un bon lit seulement quand arrive le matin l'on a un peu froid

Je crois que l'on va doner une bonne raclée (?) aux Prussiens ce jour sa ne dois pas tarder car il ne sont pas loing sa pourais bien arrivé pour faire le quinze Aout Je n'ai put vous ecrire plus vite je n'ai recu ta lettre que hier soir cart dans des moments comme cela l'on ne recois pas les lettres sa est retarder toutes les fois quil y auras un combat je vous l'ecrirai le plutot que je pourer mais l'on ne peut pas quant l'on veut

Recevez toutes les amitier de votre devoue

P.Lanquetin



voir la photo  de Palmyr LANQUETIN
(1870)

                      La guerre de 1870 ou la mort de Just Palmyr   

 

           
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 

 

                 La lettre de Palmyr, retrouvée dans le grenier de famille en 1950 

 

 

 

 

 


 

 

 

Le cimetière de Gravelotte (photo Mr.Liégeois)