D'après
La vie de Français au jour le jour : de la Libération
à la victoire, 1944-1945 par Raymond Ruffin.
Les ténors de
la collaboration devaient s'enfuire devant la
percée de la Ière armée française. Comme en
1940 sur les routes de France, mais là ce fut l'exode vers la
Suisse. Les privilégiés, tels Brinon, Luchaire,
Déat, Bridoux, Bonnard ontinrent des voitures et du carburant.
Les autres partirent comme ils purent, se dirigeant vers l'Italie,
comme Darnand à la tête de ses centaines de miliciennes,
ou le Tyrol et le Bavière. Ainsi se terminait, pour les
apôtre sanglants de la collaboration, le chemin de la trhison.
Et Pétain ?
Informé qu'il va être jugé en France par contumace
devant la Haute Cour de Justice, il a écrit à Hitler pour
que sa liberté lui soit rendue "afin de répondre de ses
actes devant ses compatriotes". Le Furher, qui a d'autres
préoccupations, n'a pas répondu. Le 24 avril, le
Maréchal réitère sa demande, sans plus de
succès. Mais les jours passent et la débacle allemande
s'amplifie. C'est alors que le successeur d'Otto Abetz, l'ancien
ambassadeur à Paris, le diplomate von Reinebeck prend sur lui
d'emmener Pétain et sa suite jusqu'à la frontière
suisse. Les autorités hlvétiques tergiversent un peu mais
finalement d'cident d'accorder l'hospitalité au Maréchal.
Mais celui-ci ne veut pas entendre parler de droit d'asile, il le dit
nettement : "je veux rentrer en France aussi vite que possible". Berne,
allerte Paris où l'embarras est grand ! Depuis logtemps, de
Gaulle a exprimé son opinion :"Le mieux qui pourrait nous
arriver et que le Maréchal meure avant notre retou": il craint
en effet qu'un procès ne soit un facteur de division et nuite
à l'unité nationale. Mais Pétain est résolu
à se présenter devant les Français. Sans doute
entend-t-il encore les immenses clameurs populaires qui, quelques mois
plus tôt, saluaient son passage dans les villes de France !
Même s"il reconnaît certains torts, il pense "qu'il a bien
servi le pays" et que celui-ci peut en témoigner. Et puis, il a
quatre vingt neuf ans ! un âge qui autorise à voir les
choses différemment. Devant cette détermination, de
Gaulle n'a plus qu'à s'incliner. On signifie donc aux
autorités helvétiques que Pétain sera pris en
charge au poste frontalier de Vallorbe-Verrières. Pour
accueillir le Maréchal, de Gaulle désigne le
général Koenig, qui se serait bien passé de cette
corvée...
Le 26 avril, vers 19h30, les trois voitures qui forment le convoi de
Pétain franchissent les barrières de Valoorbe et
arrivent, côté français, à Verrières
sous Jougne. De chaque côté de la route, soldats,
gendarmes et gardes mobiles, l'arme à la bretelle, restent
figés. Au milieu de la chaussée, à hauteur du
poste, les mains derrière le dos, portant son képi de
campagne où se détachent les quatre étoiles de
général de corps d'armée, Koenig attend. Le
premier véhicule stoppe devant lui. Le Maréchal en
descnd, promène un instant son regard sur tous ces militaires
impassibles qui ne saluent pas, puis, la canne à la main,
s'avance un peu. Koenig fait quelques pas à sa rencontre,
s'arrête et salue talons joints sans sembler remarquer la main
que Pétain tend vers lui. Il se contente de s'incliner
rapidement en invitant son "prisonnier" à le suivre jusqu'au
bureau de la douane où le commissaire François Chavalor
et le sous-directeur de la police judiciaire établissent le
procès verbal de "prise de corps". Après ces
formalités, le Maréchal se dirige vers la gare des
Hôpitaux Neufs où attend un
train spécial qui doit
emmener tout le monde à Paris.
(témoignage de M.François de Menthon, cité par Raymond Tournoux dans Pétain et la France)
Les Longevilles figuraient dans une "zone réservée" au
Reich : un visa allemand était nécessaire pour y circuler, la Suisse (libre !) étant proche...
Pour voir la division de la France en zones, cliquez sur la carte.
Un page d'Histoire : Si
le tunnel de Frasne-Vallorbe, qui passe aux Longevilles, avait
été ouvert, la rédition du maréchal
Pétain, en 1945, aurait pu se faire aux Longevilles : elle se
fit à quelques kilomètres de là.