Procès de l'abbaye de Mont Sainte Marie contre Michel LANQUETIN

(recherches de Mme.DELSAUX, dans son livre sur Jacques Séraphin LANQUETIN, page 15)

En 1530, Pierre LANQUETIN meurt. Il était homme taillable (càd soumis à l'impôt de la taille) de l'abbaye de Mont Sainte Marie, située à LABERGEMENT, à quelques kilomètres des Longevilles. Cette abbaye, et surtout ses abbés et son révérend père, exigent d'être maintenus dans l'hoirie et succession de feu LANQUETIN, ce que l'héritier Michel LANQUETIN conteste. En effet, à cette époque, le coutume et les usages voulaient que le seigneur fournissait des avantages tels que protection, terres à cultiver sur lesquelles on pouvait construire sa maison, son atelier, moyennant bien sûr certains impôts et conditions qui variaient d'un lieu à l'autre. L'abbaye de Mont Sainte Marie, propriétaire des terres, agissait comme un seigneur propriétaire et disposait donc des mêmes droits, mainmorte notamment. Ce dernier droit notamment interdisait au cultivateur d'hypothéquer, de vendre ou de transmettre son bien sans l'accord du seigneur. Cette coutume permettait, à l'origine, au seigneur de s'emparer du plus beau meuble lorsque décédait le chef de famille ou, à défaut, c'est à dire s'il n'acceptait ou ne pouvait pas, de lui couper la main droite !!! Douce époque... De fait, cette redoutable coutume avait évolué vers une sorte de contrat entre le seigneur et le manant, car il fallait bien attirer des travailleurs dans ces rudes contrées..et leur couper la main droite n'est pas attractif !

Toujours est-il que, en 1530, le moines intentent un procès à Michel LANQUETIN pour être maintenus dans l'hoirie de feu Pierre LANQUETIN. Et pourtant, Jean de Châlon, pour attirer une main d'oeuvre suffisante dans la vallée des Longevilles qu'il voulait défricher, avait, en 1350, affranchi ses sujets de la seigneurerie de Rochejean. On dirait maintenant qu'ils voulaient une part de l'héritage, se basant sur des coutumes anciennes mais bien réelles. Ce feu Pierre LANQUETIN devait être un personnage important pour qu'on s'interresse à ses biens et à son héritage : échevin des Longevilles, comme Perrenet LANQUETIN en 1394 ??

Mme.DELSAUX nous raconte :

L'abbaye de Mont Sainte Marie, propriétaire des terres sur lessquelles vivait feu Pierre LANQUETIN, intente un procès à Michel LANQUETIN (son fils ainé??) pour être maintenue dans l'hoirie (= dans l'héritage) de Pierre LANQUETIN, jadis son homme taillable (soumis à l'impôt de la taille) de La Longevelle (sic).

Le procès se tient sous un orme, devant la grande porte et l'entrée de l'abbaye De Mont Sainte Marie, à LABERGEMENT. Il est huit heures du matin le 27 juillet 1530. Le procureur du révérend père abbé de Mont Sainte Marie est Richard VERNEREY, accompagné du "conseiller" Messire Jean COLIN, docteur es droit et de témoins.

Michel LANQUETIN aussi a amené des témoins et a, comme conseiller, Michel CAFFOD, de JOUGNE. Hugues DENY, clerc juré de la cour du baillage de Dole prend des notes. Chacun prête serment de dire et de déposer bons et loyaux témoignages de vérité. Michel LANQUETIN et son conseiller font remarquer que "ledit Seigneur Révérend impétrant" ne fait pas "suffisamment apparoir des droits possessoirs" et qu'il n'a été lésé en rien.

Mis, comme le dit Mme.DELSAUX, c'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer... Au nom d'un droit coutumier ancien, au nom de la Souveraine Dame Marie de Hongrie (nb : soeur de l'empereur Charles-Quint...) notre manant fut condamné, ce qui était prévisible...à remettre et rétablir ès mains dudit Seigneur Réverend ou son certain commandement, dix huit émines de froment mesure de Pontarlier qu'il avait vendues à des personnes de Septfontaine. Plus trois francs pour les habits et bagues du défunt dont il s'était emparé. Fou de rage, Michel LANQUETIN répondit au clerc juré requis pour l'execution "qu'il n'icheoit aucune exécution", ce qui pourrait ce traduire de nos jours par "tu peus toujours courir...". Mais il fallut bien s'exécuter lors que la sergent du baillage d'aval (=les gendarmes...) fixèrent les panonceaux aux armes de la soeur de Charles Quint sur les biens en litige...

LA FONTAINE nous dit bien : "selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs"....