Quand nous visitons un cimetière
militaire, nous nous demandons souvent ce qu’avait bien pu
être la vie de celui qui repose là, comme le "Dormeur du Val", écrit par
Rimbaud en automne 1870, après la
défaite de Sedan. Dans
ce site, nous avons évoqué et sauvé la
mémoire de Palmyr LANQUETIN, disparu le 15 août 1870, lors
de la bataille de Gravelotte. Il n’a pas de tombe car il fut "porté disparu". Trois ans plus tard, ses parents
reçurent la confirmation officielle de cette disparition. Mourir
à 20 ans,…
J’ai eu la chance de découvrir, dans le grenier de
famille la lettre écrite au crayon, dans un
français maladroit, décrivant l’horreur de ce
qu’il avait vécu la veille. C’était la
dernière lettre du « petit »…La
commune de Gravelotte, et notamment Mr. Gérard Liégeois, a
mis en place un site internet qui fait état de cette lettre si
significative.
Quel
pouvait bien avoir été la courte vie de Palmyr ?
Son
père, Sylvestre Lanquetin, fils de cultivateur assez
aisé, avait créé une « entreprise de
travaux d’art ». Nous dirions maintenant
« entreprise de travaux publics ». Il semble
qu’il ait rénové ou agrandi la route de
Métabief-Les Longevilles. Comme souvent à cette
époque, la famille est nombreuse ; Sylvestre aura 9
enfants.
Marie Adèle (1930 épouse Jeunet) chez qui il ira mourir à 82 ans
Louis Séraphin (1832), fromager rue de la Gare à Pontarlier
Jules Séraphin (1834), mort à 22 ans à la guerre de Crimée
Ulysse (1836) horloger 4 Grande Rue à Pontarlier
Lucien (1842) gendarme à cheval à Recologne
Séraphin Vincent (1845) mort à l’âge de 2 ans
Just Palmyr (1848) mort à 22 ans à la bataille de Gravelotte
Joseph Alfred Armand (mort à l’âge de 4 ans).
Agé de 13 ans environ Palmyr, rejoint son frère Ulysse en
apprentissage chez Minary, horloger (aux Fourgs ?).
L’horlogerie, dans le Haut Doubs permet d’occuper et de
gagner sa vie lors des longues périodes hivernales. Comme
souvent, ces ouvriers et apprentis fabriquent eux-mêmes leurs
outils. Ulysse s'installera ensuite Grande Rue à Pontarlier (photoci-dessus).
J’ai retrouvé, toujours dans le grenier familial, les
outils d’horloger d’Ulysse mais aussi ceux de Palmyr. Ils
étaient rangés dans l’atelier qu’Ulysse
installa à Pontarlier, au 4 Grande Rue. Sur la table, parmi les
lorgnons, les ébauches de montres, les verres de lunettes,
j’ai trouvé la paire de lunettes en argent d’Ulysse
qui lui permettait de travailler de près. Le meuble
d’horloger, aux multiples tiroirs, était plein de
mouvements, vis, aiguilles, etc. C’est sans doute là, chez
son frère, que travaillait Palmyr après son
apprentissage, lorsqu’il fut mobilisé en 1870
dans l’Armée de l’Est. C’est dire la
qualité de sa préparation militaire… Comme
d’autres jeunes adultes de la campagne, mal
entraînés et inexpérimentés, il fut conduit
à une mort certaine par des chefs incompétents et
imprévoyants.
Voici donc les outils d’Ulysse et de Palmyr Lanquetin
(inscription PL sur les outils d'horloger qu'il a fabriqués
lui-même),
témoins émouvants des dernières années de
ce jeune conscrit qui a décrit les combats de Gravelotte avec
les termes mêmes qui sont maintenant communs :
« il pleut comme à Gravelotte ». Palmyr
(voir sa lettre) dit que « les balles volaient comme
des bourdons »…
Avec
lui, gardons le souvenir des morts inutiles de tous les champs de
bataille.
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