Le Dr Pierre Fugain était pendant l'occupation l'un des responsables du réseau de renseignements Reims-Coty, mis en place par les Forces françaises combattantes (FFC) et dont le centre était installé à Grenoble. C'est à ce titre qu'il a personnellement recruté en 1943 le chef du cabinet du préfet de l'Isère, Paul Lanquetin, répertorié sous le pseudonyme d'Antoine RPB 11.1.18.
Aujourd'hui président de l'ANACR en Isère, Pierre Fugain témoigne que, dans une région de maquis où la Résistance était omniprésente, ce haut fonctionnaire affilié aux francs-maçons devint très vite "un des meilleurs agents de renseignements du réseau". Sa position lui permettait d'avoir accès à une foule d'informations précieuses transmises en priorité à Londres. Elles concernaient entre autres les opérations des forces de police, les listes pour le STO, l'organisation du ravitaillement, la situation économique, la production des usines travaillant pour l'occupant, les consignes de collaboration avec les troupes allemandes... Elles furent également très utiles à la Résistance locale, à qui elles étaient transmises par l'intermédiaire de l'agent de liaison Surre. Paul Lanquetin aida également les résistants à disposer de faux papiers et de laissez-passer officiels. En dépit des consignes qu'il avait reçues de 'ne pas manifester la moindre opposition à Vichy, ni la moindre sympathie pour la Résistance', il n'hésita pas à prendre des risques en intervenant personnellement, en juillet 1944, pour faire libérer Pierre Fugain, arrêté par la Gestapo de Chambéry. Il téléphona alors à la direction ébahie du 'Petit Dauphinois' pour exiger qu'elle confirme qu'elle employait bien Pierre Fugain, dont les faux papiers mentionnaient qu'il appartenait à la rédaction de ce journal local.
Quelques jours avant la libération de la région grenobloise, en août 1944, Pierre Fugain a informé le comité départemental de Libération nationale du rôle exact joué par Paul Lanquetin pendant l'Occupation. Si ce dernier fut aussitôt nommé adjoint du nouveau préfet, son action de résistant devint ensuite plus un frein qu'un atout dans sa carrière de fonctionnaire, qui s'arrêta au poste de sous-préfet en Haute-Savoie.
F. B.
La Résistance vraie d'un chef de cabinet de préfet (article paru dans le journal "L'Humanité" du 6 janvier 1998).
Jean LANQUETIN dit "tailleur", qui vivait aux LONGEVILLES vers 1650, a eu deux descendants à qui on a proposé la préfecture de la Seine : Jacques Séraphin LANQUETIN, député de la Seine et président du Conseil municipal de Paris, par l'empereur NAPOLEON III en 1852, et Marcel LANQUETIN, préfet du Nord, par le président du Conseil Guy MOLLET en 1955. Ce n'est pas si courant !
Préfet de Valence (1939)
Képi de préfet 1945
Képi de préfet vers 1950
Képi de préfet (1939)
Sur cette photo, c'est bien Marcel, garçon de 3 ans, habillé d'une robe comme on le faisait à cette époque ! Plus tard, il sera un élève exeptionnel au collège de Pontarlier : toujours prix d'excellence ! Et il joue parfaitement au piano. Il accompagne sa sœur Many, futur premier prix de chant lyrique du Conservatoire de Paris, à qui le directeur de l'Opéra de Paris propose de devenir une future "diva, tel Madot Robin !!.
A 20 ans, Marcel a déjà en poche une licence de Droit et part en 1911 au service militaire (3 ans), qu'il termine en 1914 et repart donc pour 4 ans ! A la fin de la guerre, il envisage la carrière d'avocat. Mais, le député GIRAUD, de Frasnes (Doubs), ami de son père Georges, commerçant connu, président du Comité des Fêtes de Pontarlier, le fait entrer en 1922 au Ministère des Pensions, au salaire annuel (!) de 8.000 F, "or" quand même !
Vite remarqué, il fait une carrière rapide : chef de cabinet à Tours, à Béziers (où il passe son doctorat en Droit et une licence d'Histoire), il est le dernier sous-préfet de Murat, ville qui ensuite perd sa sous-préfecture. Ensuite, secrétaire général (Belfort) puis sous-préfet de Dinan. Il y rencontre M.GOUZE, proviseur du collège. Les enfants et les parents sympathisent. La fille du proviseur, Danièle, épousera un avocat plein d'avenir, François MITTERAND... Ensuite, un petit tour dans les cabinets ministériels. A la Marine marchande en 1934. L'appartement est situé place de la Concorde. Mme. LANQUETIN et sa fille Marcelle assistent, en première loge, au 6 février 1934 : émeute des Croix de Feu qui tentent du prendre de force l'Assemblée nationale. Les autobus brûlent et la Garde mobile charge, une balle perdue traverse les volets !
Ensuite, c'est au cabinet du ministre de l'Intérieur, Roger SALENGRO, maire de Lille, que se joue sa carrière. Il est nommé chef du cabinet. Il apprend, dans les premiers, le suicide du ministre, après une violente campagne de calomnie. Marcel Lanquetin est alors nommé préfet de la Drôme, à Valence en 1937. A la préfecture, on accueille de nombreux réfugiés venant d'Allemagne : juifs, démocrates, républicains. Ils expliquent ce qui se passe là-bas. Difficile de dire : "on ne savait pas".Vient l'armistice. Les Allemands s'arrêtent, en juin 1940, aux portes de Valence, sur l'Isère. En juillet, l'Etat français, dirigé par le maréchal PETAIN prend le pouvoir. Marcel LANQUETIN, dont les convictions politiques sont connues, est révoqué (NB : sans salaire, avec deux enfants). De nombreux témoignages de sympathie lui parviennent dont celui du maire et de l'évêque de Valence.
Il pourrait, comme d'autres, préter serment au nouvel Etat français. Tel le préfet Papon, dont le procès a réveillé ces tristes souvenirs et beaucoup d'autres moins courageux, mais il ne le fait pas ! Il est recasé en 1941 à la Direction de la Santé à Orléans, zone occupée. Des amis fidèles même dans ces circonstances, le préviennent : il vaut mieux aller en "zone libre", où les Allemands ne sont pas encore et où la police n'est "pas encore aussi efficace" (sic). Il part pour Toulouse, diriger un asile psychiatrique (ce n'est pas un avancement pour un ancien préfet !). Mais là, on est un peu oublié et la nourriture est moins rare qu'ailleurs.
A la Libération les attestations diverses prouveront qu'il était possible, mais courageux, de faire autre chose que d'obéir à des ordres iniques tel Papon. Voir ces attestations: cliquez.
Oublié, mais pas de tout le monde. Un notaire de Pontarlier, surnommé le "gauleiter du Haut-Doubs", écrit au journal collaborateur "Le Pilori" : "Je soutiens votre courageux combat contre les socialistes, les juifs, les francs- maçons. Je vous signale ROSE, ancien maire, FOURNERET, sauveur de Léon BLUM (NB : c'était vrai), LANQUETIN, du cabinet de Salengro…". Trois des cinq personnes dénoncées dans cette lettre mouront en déportation. A la Libération, le dénonciateur a été puni (??) par six mois d'interdiction de droits civiques et a repris son activité dès décembre 1945... Douce France ....
On redéménage donc vers LYON. Là, la proximité des maquis de l'Ain et de l'Ardèche permet au directeur de l'hôpital psychiatrique et aux médecins d'héberger comme malade mentaux, des réfugiés polonais et des résistants. L'annexe de l'hôpital, en Ardèche, opère parfois les blessés des combats de la Résistance. En novembre 1943, à Toulouse, un émissaire du général De Gaulle vient remettre à Marcel LANQUETIN un arrêté, pris à LONDRES par le gouvernement en exil du général de Gaulle, le nommant préfet, pour prendre ses fonctions à la Libération, qui paraît maintenant sûre. Il est nommé dans l'Ain et s'y rend dès la Libération. Là, le chef du maquis a pris possession de la préfecture et n'entend pas céder la place… On va alors à Orléans ! La carrière se poursuit, ascendante : ARRAS, LILLE, où il termine sa carrière comme IGAME, on dit mainteant préfet de Région. Il refuse la préfecture de la Seine, car ce dernier vient souvent après beaucoup de personnalités parisiennes (ministres, députés, etc). On lui propose aussi le poste de Premier ministre de MONACO ! En effet, c'est la France qui nommait ce haut personnage qui habite au Palais, près du prince, sur le fameux Rocher. Marcel refuse aussi, car il ne veut pas être "un ministre d'opérette", au grand dam de son épouse et de son fils qui se voyaient bien sur la Côte d'Azur ! Il est alors nommé président-directeur-général de la SOFIRAD, société d'Etat qui contrôle Radio Montecarle, Radio Andorre et Radio Luxembourg. La mort arrive en mars 1956. Guy MOLLET, président du Conseil des ministres, qui lui avait proposé d'être son directeur de cabinet et qu'il avait connu à ARRAS, interrompt ses activités pour saluer le corps, comme de nombreuses personnalités (ministres, députés, etc). De très nombreuses décorations reposent sur le cerceuil : commandeur de la Légion d'Honneur, Grand Croix de l'Ordre de Belgique, d'Italie, commandeur des Palmes académiques, de la Santé publique, médaille de la Résistance, etc.
Le procès (en 2001) de Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, a réveillé à travers toutes la France, de bien tristes souvenirs. La grande raffle des Juifs de France en juillet 1942, est une tache indélébile dans l'Histoire de notre pays. Certes, des excuses publiques et/ou des repentances des hauts personnages en fonction en 2001 ont été formulées : Président de la République, Pape, etc. Mais, comment réparer la déportation programmée vers des camps d'extermination de 4.115 enfants et de leurs parents !!!! Papon est-il le seul coupable ? Sûrement pas. Les fonctionnaires en poste sous le régime de Vichy pouvaient-ils ou devaient-ils refuser de tels ordres ? Les Français savaient-ils ce qui se passait en Allemagne dans les camps de déportation ? Autant de questions qui furent posées, une fois de plus, lors de ce procès. Parmi ceux qui "refusèrent" :
Marcel Lanquetin, préfet : voir les attestations et documents.
Paul Lanquetin, sous préfet : voir ci-dessous.
Le général Jacques Faure-Lanquetin et son épouse qui hébergent une enfant juive, au péril de leur vie. (voir leur inscription au Mémorial de Yad-Vashem).
En marge de l'affaire "PAPON"